Dis, Alice...

" Dis, Alice, pourquoi tu as fait mourir le peintre des drapeaux ? Est-ce que tu peux continuer l'histoire pour qu'il ne soit pas mort pour de vrai, parce que je l'aimais bien."

Nils, 6 ans et demi.

Un message reçut hier soir, sur le coup, je n'en menais pas large, avec sérieux chavirage du moral... Qu'est-ce que j'allais pouvoir lui dire à ce petit Nils qui avait offert ses sanglots à mon peintre de drapeaux ? Pas facile. Ça m'a un peu travaillé cette nuit, et ça s'est un peu éclairci ce matin. Alors voilà ma réponse. Juste envie de partager ce moment d’échange avec vous. Bonne journée.

Cher Nils,

Quand j'ai reçu ton message hier, je dois t'avouer, j'ai été pas mal désemparée… Quoi ? Moi ? Faire pleurer un enfant ! Quelle horreur… Mon travail n'est pas là ! Je m'apprêtais à m'excuser, à me justifier, à argumenter, j'allais t'expliquer que la guerre existe, en vrai, que des tas de gens y meurent, en vrai, et qu'il fallait en parler, en vrai, et que cela méritait bien de sacrifier un petit personnage de papier, en faux.

Et puis non…

La nuit est passée, ma surprise aussi, et j'ai réfléchi. Et je me suis rendue compte que si, mon travail est aussi de faire pleurer des enfants, ou des parents. Les livres qui ont le plus compté dans ma vie sont sans doute ceux qui m'ont fait pleurer. Non pas que j'aime souffrir, hein, au contraire, mais ces larmes sont belles. Elles sont de celles qui arrosent ta petit graine d'humanité, de celles qui te feront grandir, le coeur et le corps. Alors finalement, je suis assez fière d'elles, fière de toi, fière aussi d'avoir été si désemparée hier soir… Tant que nous nous inquiéterons de ce genre de choses, nous n'irons pas tirer sur les porteurs de drapeau.

Je te remercie de m'avoir permis de clarifier tout ça dans ma tête et j'espère que tu ne m'en voudras pas trop de ne pas pouvoir ressusciter ton petit héros. Je t'embrasse fort fort…

A bientôt,

Alice