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mercredi 16 décembre 2009

Une littérature trop morale ?


Saviez-vous que nous étions soumis à la loi du 16 juillet 1949, dont l'article 2, modifié en 1954, stipule que les publications destinées à la jeunesse « ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés de crimes ou de délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques » ?

La question de la morale revient d'ailleurs assez souvent lorsque je cause littérature jeunesse avec les vieilles copines. C'est aussi l'un des éléments de critique de la part des éditeurs qui trouvent parfois mes histoires trop moralistes ou parfois trop immorales. Bref, la question semble incontournable... Fabula nous fait part de deux colloques sur la question ici et , j'essayerai d'en dénicher les rapports, mais je veux bien déjà vos avis, si avis vous avez... Ou vos expériences : Avez-vous déjà eu des remarques ? Avez-vous déjà été choqué par un livre ? Vous posez-vous des limites ? Bref, vous en faites quoi de cette histoire de morale :-?

13 commentaires:

Gwendoulash a dit…

figure toi que je n'y ai jamais pensé ... je vais lire ce truc là ...

Sabbio a dit…

Si on s'en tient aux livres jeunesse, je ne crois pas avoir jamais été choquée, non. Et c'est un sujet glissant car qui juge de la morale??? En même temps à ces âges si influençables on ne pourrait faire lire à un enfant un livre par exemple, je reprends les termes mis ci-dessus "entretenant des préjugés ethniques".
D'ailleurs ça me fait penser à quelque chose qui m'a grandement surprise, je ne saurais d'ailleurs pas dire dans quel sens.
Il y a quelques mois j'ai acheté à ma fille un livre de la comtesse de Ségur et il y avait au tout début une note de l'auteur expliquant que le nom d'un des personnages avait été changé. Elle s'appelait Mme Juivet et représentait tous les clichés antisémite qui circulaient au XIXe siècle donc l'éditeur l'avait modifié pour un nom "neutre"... et bien tout ceci m'a interloqué...

Caroline BARTAL a dit…

Quand j'étais petite, j'avais un livre qui s'appellait "coucou la fourmi". Il témoigne de la guerre du vietnam au travers d'une histoire de fourmi. Les illustrations sont belles et très violentes, meurtrières par moment. Il m'a beaucoup marqué, je le relisais souvent et il est toujours dans ma bibliothèque.
A Hachette, ils ont du oublier l'article dans les années 80 ^^

Caroline BARTAL a dit…

les ref du livre si ça intéresse:
Coucou La Fourmi
Bounpheng Maniphanh (auteur)

Editeur : Hachette. Date de parution : 1979.

Il est vendu bien cher ! O.O

Lilie a dit…

Les contes de Perrault ou des frères Grimm sont très loin d'être politiquement et moralement correctes, et ce sont pourtant les plus connus, même si on a essayé d'en conserver une version édulcorée. Et que penser de ces méchants toujours moches et de ces gentils toujours beaux ? La littérature de jeunesse n'est pas morale et ne l'a jamais été. Peut-être simplement parce" que le monde ne l'est pas non plus : c'est certes dégueulasse que les p'tits ziozios se fassent becter par les gros vilains matous mais c'est la vie ! Nan mais !

Séverine Vidal a dit…

Petite, "Peau d'âne" m'avait vachement "titillée"... cette histoire d'inceste larvé... Récemment, j'ai acheté "Dix-huit baisers plus un" de Rachel Corenblit pour ma fille de ... 11 ans. Finalement, c'est très "sexe", trop pour son âge, c'est sûr. Un petit avertissement m'aurait mise en garde. Le livre est très bien, ceci dit, mais à lire plus tard.
Sinon, pour un même texte, j'ai eu ces deux avis très différents : votre est trop "réparateur" et "Une langue un peu crue par rapport à notre ligne éditoriale".
En tout cas, c'est un débat intéressant !

Katia Levkova a dit…

Tant qu'illustratrice, je m'interroge souvent sur cette question - jusqu’où pourrais-je aller dans la représentation graphique ? Un petit exemple : récemment, j’avais un personnage de sorcière à illustrer. C’est un personnage traditionnel qu’on trouve dans beaucoup de récits. Et en même temps, comment la représenter sans tomber dans le ridicule et qu’il ne terrifie pas pour autant les gamins ? Les premiers croquis que j’ai réalisé me semblaient terrifiants, j’ai essayé plusieurs fois d’alléger cet aspect… Mais, même maintenant, une fois l’illustration est terminée, je la trouve encore un peu terrifiante. Je ne sais pas si les enfants vont avoir peur en voyant ce personnage (je ne veux surtout pas les terrifier) ou bien au contraire, la sorcière devrait faire leur faire peur ?! Je ne sais pas, je n’ai pas de réponses à mes questions, c’est assez abstrait.
Par exemple, je ne pourrais pas dessiner ce petit oiseau dans la gueule du chat– je me pose peut-être trop de questions… Mais la seule chose dont j’en suis sûre, c’est que je ne veux pas que ma fille lise que les contes de fées où tout est beau et rose !

Nicole a dit…

perso je me sens responsable, un petit peu, du message que l'on apporte aux enfants... donc je n'ai pas envie de créer un personnage entrain de fumer ou d'autres qui tirent avec des armes... même sur un lapin! Je ne veux pas banaliser la violence.

C'est vrai que comme Katia j'ai du mal avec cet oiseau dans la gueule du chat... il va s'en sortir indemne j'espère?:-)

Geisha Line a dit…

Avec Estelle*, on a écrit l'histoire d'un chat qui dévore tous les êtres vivants du jardin (oiseau, papillon, souris... tous passent sous les crocs !). Ca nous a fait rire et on a fait le pari que les enfants pourraient également s'en amuser. Après, on a eu tout un débat sur le choix de certains termes : faut-il décrire la réalité crue (et parler des boyaux qui restent à côté du cadavre de la souris ?) ou édulcorer pour ne pas choquer ? A mon avis, les plus choqués seraient les parents... mais en même temps, ce sont eux qui achètent le livre !
En tous les cas, même si je n'aime pas l'aspect trop moral dans les histoires, j'ai tendance à vouloir faire lire aux enfants des histoires qui finissent bien. L'écrivain n'aurait-il pas pour "mission" d'offrir une vision optimiste du monde environnant ?

Séverine Vidal a dit…

ou une vision "réaliste" ? Les enfants adorent qu'en classe, on leur fasse lire des histoires un peu décalées, qui proposent une autre vision des choses, qui les poussent à exercer leur sens critique. Ils aiment qu'on les étonne. Bon, j'ai des CM1-CM2, pas des maternelles... c'est peut-être différent. Encore que...

Alice Brière-Haquet a dit…

Pour aller dans ton sens Geish, j'écoutais l'autre jour à la radio Susie Morgenstern qui disait qu'on avait "un devoir d'optimisme"... En gros, on devait assurer au gamin que la vie ça vaut le coup d'être vécu. J'avais trouvé ça joli comme formule.

Donc je pense aussi que ça doit finir bien, mais est-ce que la fin justifie les moyens ? Par exemple, si cette fourmi terminator est mise au service d'un discours pacifiste... C'est moraliste ou immoral ?

Et puis je pense qu'en effet, le rire en soit est "une bonne fin" (je pense ici aux bestioles croquées ^^).

Pour reprendre l'exemple de Lilie, il me semble que l'univers du conte a ses propres lois morales, comme il a ses propres lois physiques. Le héros a toutes les qualités, et il a tous les droits. Mais c'est vrai que perso, l'ogre du petit Poucet m'a toujours fait super pitié :-(

Enfin, je crois qu'on est pas tous choqués par les mêmes trucs. Par exemple, la présence de cigarettes ne me dérangent pas (et pourtant, j'en ai bavé pour arrêter !!) mais ce qui m'horripile c'est de voir des fillettes aller faire du shopping, ou causer fringues pendant des heures. Qu'on fasse ainsi rentrer le monde de la consommation dans l'espace du rêve et de l'enfance, je trouve ça insupportable.

Voilà des petites remarques en vrac. Il n'est pas impossible que je me contredise ci et là ^^

Des bises, et merci pour ces avis !

Alice Brière-Haquet a dit…

Tiens et puis j'ai un petit cas clinique sous la main :

Je vous avais déjà parlé de mon projet "Ali au pays des cochons". C'est l'histoire d'un mouton (musulman) qui vit dans un pays de cochons (chrétiens). Tout finit bien, moutons et cochons sont copains, oui mais voilà : appeler un animal par un nom musulman, ça ne se fait pas. Sans même parlé des amitiés porcines. Ali ne s'appellera pas Ali, ni Bachir, Saïd... Mais si je l'appelle Jacques, la fable perd tout son sel, voire tout son sens ! On a fini par trouver une solution, le mouton n'aura pas de nom du tout. Mais une nouvelle fois, il a fallu se poser la question de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas...

Gaëlle a dit…

Personnellement, cela ne me choque pas du tout que le chat mange l'oiseau ou de raconter et d'illustrer des choses "normales" de la vie. On y peut rien, c'est comme ça, on mange bien de la viande nous aussi. Par contre, je suis d'accord avec le fait de montrer aux enfants les choses "biens" et je crois qu'il faut adapter la lecture à la personnalité de l'enfant, son vécu,... enfin pour la lecture du soir.