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lundi 16 novembre 2015

#PrayForParis


Aujourd'hui je pars pour une semaine de rencontres à Bonn dans le cadre du festival Käpt'n Book... Je ne savais pas trop quel livre emmener dans ma valise, maintenant je sais, ce sera Le Peintre des Drapeaux. En voici le texte intégral. Ça ne résout rien mais ça (me) fait du bien. Bonne semaine les Français, et bravo pour votre dignité, vous m'impressionnez.


Le peintre des drapeaux

Le peintre des drapeaux
Adorait son boulot.

Les gens les plus brillants
des plus brillantes nations
venaient à sa maison
pour lui passer commande.

L’un déclarait :

« Dans mon pays règne la liberté !
Car l’homme pour grandir
doit être capable de choisir.

Faites-nous un drapeau
qui affiche haut
nos idéaux. »

Un autre disait à son tour :

« Mon pays est une terre d’amour !
Car l’homme ne peut être utile
qu’à travers les liens qu’il tisse.

Faites-nous un drapeau
qui affiche haut
nos idéaux. »

Un autre encore ajoutait :

« Mon pays prône l’égalité !
Car l’homme peut-il être heureux
si ses voisins sont malheureux ?

Faites-nous un drapeau
qui affiche haut
nos idéaux. »

Le peintre alors attrapait ses pinceaux
et toute sa collection de petits pots.

Il avait sur son bureau
toutes les couleurs
du bonheur :

le rouge des joues d’enfant,
le bleu d’un ciel sans vent,
le vert des petits pois,
le noir qui tombe le soir,
le jaune des poussins,
l’orange au goût si fin.

Et quand sa palette
était prête,
plus belle
que l’arc-en ciel,

il dessinait sur le drap blanc,
des croix, des traits ou des croissants,
des soleils, des étoiles ou un aigle volant.

Ses clients
repartaient
très contents,
leurs idées
bien pliées
dans un petit paquet.

Tout allait pour le mieux
dans le meilleur des mondes,
quand par un jour pluvieux
il dut sortir de sa maison.

C’est qu’un général
devenu président
l’appelait de toute urgence
pour ajouter quelques étoiles.

Mais lorsqu’il arriva
sur le champ de bataille
tout y était gris et sale :

la boue, les uniformes, les gens
et même le rire des enfants.

A gauche et à droite,
derrière et en face,
flottaient les drapeaux
qu’il trouvait hier si beaux.

Certains étaient déjà tombés
et leurs couleurs se confondaient
dans la boue grise des tranchées.

Le peintre des drapeaux
rentra vite vite
chez lui.
Il renversa petits pots et pinceaux
pour attraper un drap tout blanc
et repartit sur le champ
en le portant très haut très haut.

Ce drapeau sans couleurs
leur rappellerait peut-être
que sous chacun des leurs
ils étaient tous les mêmes ?

Les gens ne sont pas méchants
mais ils sont méfiants,
et quand l’homme est venu
avec ce drapeau inconnu,
quelqu’un lui a tiré dessus.

Quelqu’un de gauche ou de droite ?
De derrière ou d’en face ?

Cela n’a pas d’importance
car le drapeau blanc
en tombant
lui aussi
devint tout gris.

Et c’est la fin…

…jusqu’au lendemain.

Car la guerre s’est poursuivie
et se poursuit encore aujourd’hui.

On fabrique les drapeaux par millions
puis on les envoie en carton par avions
aux quatre coins du monde
répandre leurs croix ou leurs étoiles

et la guerre n’a jamais été si sale.

Mais il paraît que sur les champs
quand apparaît un drapeau blanc
les armes se taisent un instant
pour laisser rire un enfant.

Illustré par Olivier Philipponneau et édité par Frimousse

(Et oui : je prie, je vous prie, de ne pas nous perdre sur les mots... que nos pensées prennent le nom de prières m'importe peu aujourd'hui, tâchons, pour une fois de parler tous la même langue. Bises et hugs les gens...)



4 commentaires:

Clémentine Beauvais a dit…

L'un de mes préférés... merci de nous l'offrir comme ça maintenant. Je t'embrasse

cieloysol a dit…

Ce texte est magnifique ! A mettre entre toutes les mains, tu as raison. Je commande tout de suite ton livre.

Au rendez-vous des sornettes a dit…

Je suis d'accord avec Cieloysol. Pourvu que ce texte entre vite dans toutes les écoles et beaucoup beaucoup de foyers.

Alice Brière-Haquet a dit…

Merci à tous :-) Qu'il rentre oui, mais accompagné, c'est un livre qui a absolument besoin d'un adulte je pense.