Cette petite phrase, combien de fois je l'ai entendue, et combien de fois j'ai senti mes dents grincer furieusement ! Parce que, évidemment, elle s’applique systématiquement à des livres aux illustrations un peu trop audacieuses, à des films au discours un peu trop riche, à des expos qui refusent l’excuse du didactisme… En bref, à des œuvres un peu trop artistiques. L’idée qu'elle porte en elle, c’est que l’enfant a besoin d’images, de concepts, de situations simples, l’enfant a besoin de médiocre, le sublime c’est un truc de grand.
Eh bien non, non, et portnawak.
C’est non seulement faux, mais stupide et dangereux, à la limite du crime contre l’humanité. Si si. Parce que un enfant, justement, c’est de l’humanité en puissance. Les enfants sont de futurs adultes et les adultes de grands enfants… Il n’y a pas changement de nature : l’âge est une simple question de conjoncture tandis que l’art s’intéresse à ce qui nous structure. Nos ambitions, nos peurs, nos colères, restent fondamentalement les mêmes. Le fait d’être arrivé les premiers nous donne simplement (et provisoirement !) les rênes de la société, et donc la responsabilité de montrer aux nouveaux arrivants ce que l’Homme fait de mieux.
J’irais même un pas plus loin… Je crois que l’artiste est justement un enfant qui a refusé de grandir tout à fait : il ne veut pas se résigner au monde de ses aînés, il veut créer.
Pour tout ça, j’adore l’art, mais je l’aime encore plus accompagnée d’un enfant… Plus vivant qu’un audio-guide, et tellement tellement plus pertinent. Vraiment, il faudrait les louer à la billetterie pour ceux qui n’ont pas la chance d’en avoir un collé d’office aux baskets. L’enfant s’amuse, questionne, et s’amuse encore, sans se soucier du diktat culturel qu’on y met derrière. Pour cette biennale 54, ça n’a pas raté : chacun s’est éclaté. Et qu’on ne vienne pas m’objecter que les miens seraient de petits singes savants rodés à l’exercice. On avait embarqué pour la journée une copine de Zélie, et promis, elle n’a pas été la moins pénible à faire sortir !
Mais baste du blabla, voilà quelques images de cette nouvelle
Biennale de Venise. Si vous le pouvez, courez-y, et sinon vengez-vous sur le FRAC du coin. Et surtout n’oubliez pas votre bambin, parce que vous l’aurez compris : l’art contemporain, c’est fait pile pour les enfants.
Commençons par le pavillon central, avec en preum's cette œuvre absolument géniale de Norma Jeane : donnez un gros cube de pâte-à-modeler, beaucoup de liberté, un peu de temps... Le résultat est impressionnant !
Et puis, dans ce même gros pavillon, d'autres rencontres amusantes, insolites, émouvantes...
Et dans les jardins, le défilé des nations... Voici le pavillon américain investi par Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla, avec notamment leur char pour faire du jogging et leur bancomat musical, les deux fonctionnant réellement. Drôlement (im)pertinent ^_^
Celui de la Russie, by Andrei Monastyrski, avec un fil qu'on tire, qu'on tire...
Le pavillon français avec Boltanski, et son jeu de la Chance : recomposez le visage et emportez l'œuvre d'art. On n'a pas gagné, mais on s'est bien amusé. C'est déjà une chance, non ?
Celui de la Tchécoslovaquie, avec cette "Sleeping City" de Dominik Lang terriblement poétique. Surtout que cela venait faire écho au Kundera que j'étais en train de lire... J'en ai encore des frissons de beauté rien qu'à y repenser...
Le pavillon coréen de Lee Yongbaek, où la douleur devient Technicolor... Et je vous laisse sur un éclat de rire. Moult bises :-)