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dimanche 29 novembre 2015

Dans le Parisien ce vendredi...


... 4 pleines pages sur la Littérature Jeunesse, avec des petites taupes qui décoiffent, des poussins masqués, des chiens pourris, des lapins malpolis, et au milieu de ce joyeux bordel, La Princesse qui n'aimait pas les Princes de Lionel Larchevêque et Myself. Un peu fière je suis. Et un grand merci à Nedjma Van Egmond de nous sortir des rayons du bas pour nous offrir ce bel espace :-)






mercredi 25 novembre 2015

Le complexe Chantal Goya


Suite des papoteries sur la figure de l'auteur jeunesse, j’aimerais causer aujourd’hui d’un truc qui m’agace mais qui m’agace : les représentations qui nous entourent et entretiennent la confusion avec notre public. Sans rire, on m'a déjà proposé, pour un mariage, de me mettre à la table des enfants - parce que j'aime les enfants et que je pourrais m'en occuper... L'idée court que nous "avons gardé notre âme d’enfant". Certes, mais n'est-ce pas un peu tout le monde ? On essaye tous, de ma banquière au Dalaï Lama, de jongler avec le triangle idéal : allier l'émerveillement de l’enfant, l’activisme de l’adulte et la sagesse du vieillard (désolée pour l’enfilade de clichés - personnellement je ne crois pas avoir été une enfant particulièrement émerveillée et je n’ai pas du tout l’intention d’être une vieille bien sage).

Bref, l’âme d’enfant est un truc qui concerne tout le monde, comme l’âme d’ado, l’âme d'ami, l’âme d’amant, mais aussi l'âme nationale, l'âme de gauche, et les mille unes couches qui nous font nous, les hommes-oignons. L’écrivain jeunesse n’est pas un cas particulier et n’a nul besoin de se faire des couettes ou de se gaver de fraises tagadas pour faire son job correctement.

La confusion est particulièrement gênante, je trouve quand il s’agit de discuter des conditions de notre métier. On voit arriver au galop toute une rhétorique de la cour d’école avec des suspicions d’immaturité… Alors qu’en regardant les choses en face nous sommes justement, avec les auteurs de BD (ceux qui se lavent pas et boivent de la bière), la fraction de la profession qui porte l’édition... Nous la portons économiquement parlant bien sûr, puisque c'est le jeunesse et la BD qui sauve depuis plusieurs année le marché de l'édition de la crise, mais aussi sur le plan des avancées sociales avec par exemple la question des rémunérations lors de prise de parole en salon qui vient d’être adoptée par le CNL et qui arrive tout droit de la Charte.

J’avais envie de ramener cette problématique à un mini-scandale de notre jeunesse, Chantal Goya et son suicide médiatique… À première vue, elle représente justement les couettes-tagadas qui m’insupportent, et son pitch est juste ridicule, mais en replaçant dans la situation c’est surtout super-super-triste. La chanteuse est prise ici entre son personnage qu’elle continue de jouer et  la professionnelle qui est sommée de se justifier, entre son public d’enfants qui est devant elle et à qui elle s’adresse et le public adulte, la « petite dame » qui lui pose la question… C'est un clown à qui l'on demande de donner son avis sur le rire bergsonien, une double-énonciation qui ne peut pas fonctionner et qui mène nécessairement à un déchirement tragique.



Petite j’écoutais Anne Sylvestre, l’auteur qui refuse de chanter pour les enfants et ne porte sur scène que son répertoire adulte. Je n'ai longtemps pas compris ce choix, je le trouvais injuste et un peu méprisant pour nous... aujourd'hui si. Chantal Goya, au contraire, assume sur scène son univers, un acte de courage qui la décrédibilise et la tue artistiquement. Encore que… Le fait qu’elle tourne aujourd’hui dans les discothèques auréolée du statut d’icône gay nous signale peut-être que c’est dans toute la société que le fameux triangle bafouille aujourd'hui, et qu’on se dirige de plus en plus vers une représentation kaléidoscopique des trois âges de la vie. Tant mieux.

mardi 24 novembre 2015

Un calendrier de l'avent de jeunes talents ?



Hello amis artistes :) 

J’aimerais pour décembre organiser un calendrier de l’avent de jeunes talents sur mon blog… L’idée serait de faire découvrir chaque jour un illustrateur, via une œuvre à vendre à prix doux. Une petite pièce, quelque chose de modeste mais de sincère, quelque chose qui ressemblerait à son créateur et qui serait accessible à tous mes bloglecteurs. Un bout d'art pour soi et pour ceux qu'on aime.

Dites-moi si ça vous intéresse (par mail ou en commentaires) et proposez-moi une œuvre (avec la technique, le format et le prix)... j'en choisirai 24. 

D'avance merci et happy mardi !

 NB : Par « jeune » talent, je n’entends rien de précis, à vous de vous juger jeune ou non ^_^

lundi 23 novembre 2015

Nina aux Maternelles


C'était ce vendredi, après des zizis, des zizis et encore des zizis :-)  

 On peut le revoir ICI. 
Nina est à 1:08


Un grand merci pour le coup de cœur et l'enthousiasme !

Et je remets la playslist Deezer parce que je ne m'en lasse pas...
Concoctée par Bruno et Gallimard !
  

vendredi 20 novembre 2015

De nos super-pouvoirs...


Petite merveille de Cali / Bloch chez Sarbacane


J’avais annulé ma seconde chronique sur les petits soucis identitaires et autres cors aux pieds de l’auteur jeunesse, en me disant qu’il y avait tout de même plus important en ce moment. Et finalement les « évènements » comme on dit pudiquement me rattrapent, avec un truc qui m’agace depuis fort longtemps et qui prend en ce moment des proportions screugneugnisantes.

Il s’agirait de nos super-pouvoirs d’auteurs, que grâce à nous, les enfants pourront construire un monde meilleur.

Primo, je trouve ça assez lâche de compter sur nos enfants. Le monde en question est actuellement sous notre responsabilité et on ferait bien de l’assumer. D’autant qu’on apprend par l’exemple et qu'il n’y a aucune raison historico-biologico-métaphysico-chépakoi pour que nos héritiers soient meilleurs que nous. C’est un peu comme de penser que fiston sera avocat parce que papa ne l’était pas. Fiston fumera des joints comme tout le monde plutôt que de bosser ses partiels, y a pas de raison. On peut croire au progrès, bien sûr (enfin moi j’y crois), mais c’est un truc lent, un truc qui se bosse dans le présent, au jour le jour, et qui ne peut par essence être remis à plus tard.

Deuzio, il faut arrêter de croire que quelqu’un qui lit est forcément quelqu’un de bien. Il existe d’authentiques connards professeurs de lettres et des illettrés extraordinaires. Et puis un livre n’est en soi qu’un média ! Un propos n’est pas nécessairement plus fin et plus humain parce qu’il est imprimé sur du papier… Là aussi un nombre incroyable d’absurdités ont connu (et connaissent et connaitront) l’honneur d’être imprimées.

Alors ?

Alors lire ouvre à l’altérité. Oui. Comme les autres arts, et comme nombre de médias qui se développent actuellement. Et l’altérité est en effet essentiel pour construire notre humanité, c’est-à-dire pour s’insérer et tisser des liens avec les autres humains.

Mais de quel humain parlons-nous ?

Il y a je crois deux types de constructions, deux degrés si l’on veut : d’une part la littérature instrumentale (les livres médicaments), celle qui donne les clefs du vivre ensemble pour renforcer une société, et d’autre part la littérature « artistique », qui est une expérience esthétique, un déplacement de focal, le vécu momentané d'un autre humanité. Ceci explique je pense qu’on puisse être touché par des œuvres par-delà les siècles, les continents, les connaissances, alors que la littérature simplement instrumentale a besoin de son contexte et perd vite son sens.

Les propositions de discours que nous voyons en ce moment se multiplier sur les réseaux sociaux appartiennent à cette catégorie. La presse a réagi avec une rapidité incroyable pour offrir aux parents des mots à transmettre à leurs enfants, c’était urgent et nécessaire, une trousse de  premier secours linguistique. Il me semble cependant dangereux d’en rester là, le risque étant celui de la propagande : une véritable œuvre se doit d’être polyphonique, complexe, ouverte. Elle ne répond pas aux questions mais en pose d’autres.

Je suis personnellement heureuse de voir l’identité nationale se ressouder, et le drapeau français se hisser enfin au nom de valeurs qui me sont chères, mais j’ai tellement peur que cette union se fasse encore contre « l’autre ». Les discours des enfants que j’ai rencontrés cette semaine disaient clairement le consensus qui s'est installé pour nier l’humanité des auteurs des attentats : ce sont des fous, des débiles, des monstres. Comment alors espérer tisser quoi que ce soit avec cette jeunesse, notre jeunesse, celle qui se radicalise et qui croit trouver en Daesh la place que la société française n’a pas su lui donner ? Comment apprendre aux enfants le vivre ensemble en pointant les « infiltrés » ?

Non la littérature jeunesse ne sauvera pas le monde, mais il me semble que nous avons la responsabilité des mots que nous employons parce que ce sont ceux que nos enfants emploieront demain. Nous n’avons pas de super pouvoirs mais nous pouvons user des fabuleuses armes de la nuance et du respect, et ne pas leur nier la complexité de l’Homme, de son Histoire, de celle qui les attend. Faire en sorte que nos liens se resserrent, mais qu’ils restent ouverts.

lundi 16 novembre 2015

#PrayForParis


Aujourd'hui je pars pour une semaine de rencontres à Bonn dans le cadre du festival Käpt'n Book... Je ne savais pas trop quel livre emmener dans ma valise, maintenant je sais, ce sera Le Peintre des Drapeaux. En voici le texte intégral. Ça ne résout rien mais ça (me) fait du bien. Bonne semaine les Français, et bravo pour votre dignité, vous m'impressionnez.


Le peintre des drapeaux

Le peintre des drapeaux
Adorait son boulot.

Les gens les plus brillants
des plus brillantes nations
venaient à sa maison
pour lui passer commande.

L’un déclarait :

« Dans mon pays règne la liberté !
Car l’homme pour grandir
doit être capable de choisir.

Faites-nous un drapeau
qui affiche haut
nos idéaux. »

Un autre disait à son tour :

« Mon pays est une terre d’amour !
Car l’homme ne peut être utile
qu’à travers les liens qu’il tisse.

Faites-nous un drapeau
qui affiche haut
nos idéaux. »

Un autre encore ajoutait :

« Mon pays prône l’égalité !
Car l’homme peut-il être heureux
si ses voisins sont malheureux ?

Faites-nous un drapeau
qui affiche haut
nos idéaux. »

Le peintre alors attrapait ses pinceaux
et toute sa collection de petits pots.

Il avait sur son bureau
toutes les couleurs
du bonheur :

le rouge des joues d’enfant,
le bleu d’un ciel sans vent,
le vert des petits pois,
le noir qui tombe le soir,
le jaune des poussins,
l’orange au goût si fin.

Et quand sa palette
était prête,
plus belle
que l’arc-en ciel,

il dessinait sur le drap blanc,
des croix, des traits ou des croissants,
des soleils, des étoiles ou un aigle volant.

Ses clients
repartaient
très contents,
leurs idées
bien pliées
dans un petit paquet.

Tout allait pour le mieux
dans le meilleur des mondes,
quand par un jour pluvieux
il dut sortir de sa maison.

C’est qu’un général
devenu président
l’appelait de toute urgence
pour ajouter quelques étoiles.

Mais lorsqu’il arriva
sur le champ de bataille
tout y était gris et sale :

la boue, les uniformes, les gens
et même le rire des enfants.

A gauche et à droite,
derrière et en face,
flottaient les drapeaux
qu’il trouvait hier si beaux.

Certains étaient déjà tombés
et leurs couleurs se confondaient
dans la boue grise des tranchées.

Le peintre des drapeaux
rentra vite vite
chez lui.
Il renversa petits pots et pinceaux
pour attraper un drap tout blanc
et repartit sur le champ
en le portant très haut très haut.

Ce drapeau sans couleurs
leur rappellerait peut-être
que sous chacun des leurs
ils étaient tous les mêmes ?

Les gens ne sont pas méchants
mais ils sont méfiants,
et quand l’homme est venu
avec ce drapeau inconnu,
quelqu’un lui a tiré dessus.

Quelqu’un de gauche ou de droite ?
De derrière ou d’en face ?

Cela n’a pas d’importance
car le drapeau blanc
en tombant
lui aussi
devint tout gris.

Et c’est la fin…

…jusqu’au lendemain.

Car la guerre s’est poursuivie
et se poursuit encore aujourd’hui.

On fabrique les drapeaux par millions
puis on les envoie en carton par avions
aux quatre coins du monde
répandre leurs croix ou leurs étoiles

et la guerre n’a jamais été si sale.

Mais il paraît que sur les champs
quand apparaît un drapeau blanc
les armes se taisent un instant
pour laisser rire un enfant.

Illustré par Olivier Philipponneau et édité par Frimousse

(Et oui : je prie, je vous prie, de ne pas nous perdre sur les mots... que nos pensées prennent le nom de prières m'importe peu aujourd'hui, tâchons, pour une fois de parler tous la même langue. Bises et hugs les gens...)



mercredi 11 novembre 2015

Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans quelle étagère ?


Quand la brillante Clémentine se penche sur notre petite psyché d’auteur jeunesse, cela donne sa tribune pour la Charte où elle pointe la double injonction schizophrénique pesant sur notre profession, à savoir les deux mythes contradictoires qui font de nous des sous-littéraires tout en sacralisant notre public. Cela donne aussi son premier billet sur les passions de l’âme et le délicat problème de l’identité, à la fois intime et publique. Comme tout cela fait pile écho à ma crise existentielle du moment, j’ai envie de prendre le train en marche et de m’interroger aussi sur ce qui pique dans ce moi-écrivain jeunesse.

Pour aujourd’hui je voudrais revenir sur une confusion qui a été faite sur un de mes propos où je déclarais ne pas me reconnaître comme écrivain. Le mot est tellement lourd dans notre langue, qu’il a donné lieu à des tas de considérations esthético-éthiques, alors que mon intention était de pointer un trou lexicologique. En effet, dans la mesure où je suis essentiellement auteur d’albums, et que l’album est un objet intermédial où l’image, voire la mise en page et les choix liés à l’objet-livre, tiennent un rôle extrêmement important, il me semble que le mot écrivain est peu approprié. D’autres genres à la croisée des arts ont réussi à imposer leur mot : on parle de scénaristes en BD, de paroliers en musique, de dramaturges en théâtre… Aucun de ces trois métiers ne se satisferait du mot d’écrivain sans que l’on songe pour autant à nier le caractère artistique de leur activité.

Or, peut-on habiter un métier s’il n’a pas de mot pour le caractériser ? Comment se situer quand il faut user d’une périphrase pour expliquer ce que l’on fait ? Une fois sur deux quand je dis que j’écris des albums pour enfants, on me demande si j’illustre aussi. Non « juste » les mots. Je vois bien que les gens sont un peu déçus et ne situent pas trop mon rôle, tout pétris qu’ils sont des histoires transparentes qui alimentent la partie la plus visible de l’édition jeunesse. En ce sens, les polémiques du type Copé ont du bon, le grand public prend tout à coup conscience que la littérature jeunesse ne consiste pas qu’en des histoires de lapins ou de pots.

La question rejoint d’ailleurs celle de la dénomination d’auteur jeunesse… Souvent, la solution réclamée par les collègues est de s’affirmer « auteur tout court », ou justement « écrivain ». Mais je ne suis perso pas trop pour… Je n’ai pas envie de cacher le « jeunesse » en le glissant sous le tapis. Je suis personnellement heureuse et fière d’écrire pour ce public-là. Je le prends pour une spécialité, comme peut l'être la pédiatrie à la médecine, et je ressors dès que l'occasion s'en présente la posture de Tournier : « parfois j'écris si bien que ce j'ai écrit peut être lu par les enfants ». Mais c'est encore trop simple et le public "jeunesse" lui-même ne relève pas de l'évidence.

Ce sont en effet des adultes qui achètent nos livres et ce sont eux qui les lisent, dans le cas d'albums en tout cas. La question est sans doute différente pour les adolescents, mais pour les petits, sauf cas particuliers, nos livres auront de toute façon besoin d’un médiateur. J’ai écrit plusieurs livres en songeant à ma frangine institutrice (pardon « professeur des écoles » - m’est avis que par là-bas aussi il y a des soucis d’identité ;-) et j’essaye de faire en sorte, que les adultes prennent plaisir à les lire, en leur glissant des clins d’œil qui leur sont réservés. Mais si écrire pour les enfants est sous-estimé, écrire pour les parents est carrément tabou. On met les deux pieds dans le caractère « fonctionnel » de l’écriture, sans même bénéficier du côté mystique du petit-nenfant-aux-yeux-plein-de-nétoiles. 

Une mystique qui est même en général construite contre l'adulte, que l'on caricature volontiers en philistin obtus que notre livre vient contrer, situation d'autant plus paradoxale que les adultes qui gravitent dans l'univers du livre jeunesse (salons, instits, etc.) sont justement des adultes sensibilisés à la question. Mais de toute façon, l’appellation « auteur (mais juste les mots) d’albums pour adultes sensibilisés les lisant à des enfants » commence à faire un peu longs sur la carte de visite. Bref, c’est pas la solution.

Il y a en tout cas, avec le souci d’identité, un vrai souci d’identification.

Merci Clémentine d’avoir mis le doigt là où ça fait mal :-)